«...  Je propose de remonter le mécanisme de la spatialisation assez loin, jusqu'à considérer que l'espace est fondamentalement mobile, c'est-à-dire que le référentiel matériel (terrestre) ou idéel (mathématique dans notre tradition), n'est que le résultat d'une fixation par l'expérience arrêtée (artifice nécessaire de la science moderne).

Mais les sciences de la société ne peuvent en rester là. Ni absolu, ni relatif, l'espace mobile est un espace de l'usage perpétuellement recomposé dans un système de distances dont les mesures varient dans les principes mêmes (les métriques) exprimant ainsi la spatialité comme beaucoup plus complexe que les propriétés d'étendue et de localisation ne le laissent entendre.

Il va sans dire que les termes de l'identité spatiale que sont la « territorialité» et la «géographicité» s'en ressentent.

Le premier qui pourrait être résumé comme l'appréhension de l'unité (par l'espace) et le second que je résumerai comme l'appréhension de la différence (par l'espace toujours) sont liés le plus souvent à une forme de la spatialité, celle qui résulte de l'application de la rationalité syllogistique faite d'inclusion et d'exclusion au titre de preuve. Le découpage en est la simplification, base de l'activité cartographique (que je prends ici dans un sens large, y compris métaphorique).

Il en résulte que toute subversion de cette forme est conçue comme crise ou déséquilibre ou, pis encore, comme irrationalité. Avec l'espace mobile, la subversion apparaît au contraire comme la rationalité poussée au paroxysme : l'adaptation provisoire et consciente. C'est de cela qu'il s'agit dans la conférence qui suit, assez mal venues dans la doxa géographique. Et c'est en Afrique sahélienne que j'en ai trouvé les indices.  ...»