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LE LABORATOIRE RUSSE DE L'HéBERGEMENT DE LA MAIN D'OEUVRE CENTRE-ASIATIQUE

DES CONTENEURS POUR LES ZONES

Des conteneurs pour les zones

Depuis 2014, Echelle Inconnue sillonne, filme et enregistre une ville parallèle. Un Moscou fait de kiosques, de marchés plus ou moins clandestins, de cités de garages et de containers habités. Une ville parallèle dans laquelle vivent encore ensemble des personnes issues des ex-républiques soviétiques (Caucasiens, Russes, Tatars, Centre-Asiatiques).

2018. C'est l'événement : la Russie accueille la coupe du monde de football. Moscou se prépare, se fait belle. Trottoirs neufs, décorations, construction et rénovation de stades. Parmi ceux-ci, celui de Loujniki, où se déroulera la finale.

Dans les années 1990, on y jouait déjà au football, entre camions et containers, avec des ballons faits de journaux, fabriqués par les apprentis marchands de ce qui fut à l'époque un des principaux marchés informels de l'après URSS. Depuis quelques années déjà, d'autres containers occupent le terrain. Les « vagonchiki » hébergent la main-d'œuvre centre-asiatique du chantier de rénovation du stade.

Ici, on ne filme pas. Les vigiles nous interdisent l'accès aux coulisses de la grande fête du football qui se prépare.

Selon Bakhrom Khamroev, défenseur des droits à l'association Mémorial : « Le ballon de foot, c'est le migrant. »

Entre elle et ses ouvriers, la ville normée et planifiée, partout tend des murs, des palissades ; un inverse des gated communities des riches que certains ouvriers construisent. Dans les allées de celles-ci, on peut les croiser en short et sandales, des sacs plastiques chargés de courses au bout des bras. Ils rejoignent leurs logements : des containers auxquels sont accolés des toilettes chimiques, au pied des chantiers. Sur la terre retournée, feux de camp et barbecues improvisés les attendent.

Chantiers privés, travaux publics ; autant d'appels à une main-d'œuvre moins payée que les russes, qui s'affaire à construire le Grand Moscou et la Nouvelle Russie, sous l'œil de vigiles qui s'assurent par cette précarité contrôlée que l'heure d'ouvrier demeure moins chère que l'heure d'ingénieur.

Sergueï, chef d'entreprise, produisant des containers habitables :

- « Blocs-containers », « vagonchiki », « bytovkas de chantiers ». Au nord, on les appelle « balki ». Quand on construit un immeuble de plusieurs étages, il est nécessaire qu'environ 600 personnes habitent sur le chantier : le travail sera plus efficace car personne ne disparaît. Les ouvriers travaillent plus vite. Les lits et le réfectoire se trouvent au même endroit.

Bakhrom Khamroev, défenseur des droits à l'association Mémorial :

- Les Ouzbecks travaillent sur la plupart des chantiers. Privés de droits, on ne les paye pas bien ou peu. La Russie connaît bien cette manière de faire. Le confort est lié aux droits. Or, si confort il y a, le migrant va sentir qu'il peut également avoir des droits…

Sergueï, chef d'entreprise, produisant des containers habitables :

- À l'époque soviétique, on produisait déjà des « vagonchiki », mais ils étaient pointus. Initialement, c'était des châssis posés sur des roues. Il y a 12-15 ans apparaissaient les containers que l'on connaît aujourd'hui. On a commencé à les produire dans la région de Novgorod, dans le village de Pestovo.

Pour les travailleurs, l'esthétique n'a aucune importance, mais le particulier a des priorités différentes. Il n'y a pas aujourd'hui de collaboration avec des designers ou des architectes contemporains. J'envisage de les inviter pour concevoir des projets qui pourraient répondre à la demande. Peut-être peut-on construire ainsi des cités étudiantes ou des cités d'habitation à bas loyer. Envisager une zone économique spéciale avec un système d'imposition préférentiel. Si vous achetez deux hectares de terre dans la région d'Iaroslavl, vous pourriez obtenir cet habitat comme une aide de l'État ou comme financement partiel. Le russe en a besoin. Il achètera, même s'il n'aime pas. Le foncier à Moscou est très cher. On peut donc imaginer de louer un terrain pour une période, et y construire un truc comme ça, qu'on pourra démonter, avant d'en revendre le métal.

Bakhrom Khamroev, défenseur des droits à l'association Mémorial :

- Les ouvriers dorment sur les chantiers. Et on leur fait comprendre que s'ils sortent, ils seront arrêtés par la police. Cette ambiance suffit.
Certains devaient être reconduits à la frontière mais on ne les renvoie pas dans leur pays. Ils ont construit partout des centres de rétention. Ils ont construit ces centres pour les Ouzbecks, les Tadjiks. Ce sont des manières d'esclavagistes qui n'existent pas ailleurs, même en Afghanistan. Ces centres de rétention énormes sont pour qui ? Je suis sûr qu'ils ne sont pas juste destinés aux Ouzbecks. Mais bientôt aux Russes aussi.

Sommaire du numéro 10
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