de l’idée de territoire au territoire idéal.

 
 

 

Chaque semaine pendant plusieurs mois, Michel Gendrot a franchi la porte de la salle où nous nous sommes installés, avec à la main quatre nouveaux feuillets manuscrits. Lui, ne parle pas, ou peu, de “ses lieux” ou de sa vie dans les lieux. Avec lui c’est un territoire théorique et documenté qui a fait irruption dans notre travail, un territoire expression d’une idée (-ologie ?) qu’il veut défendre.

Michel Gendrot a traversé, pour des raisons professionnelles, deux pays : le Brésil et le Zaïre. De ces régions il a retenu les populations primitives et ce qui lui semble être une organisation intelligente de l’espace et une utilisation harmonieuse de la nature. Pour lui il n’existe pas de différence fondamentale entre les tribus pygmées du nord-est zaïrois et les tribus indiennes du fleuve Amazone. Chaque semaine s’est alors construit sous nos yeux un schéma anthropologique idéal, générique, qui pour nous prend parfois les contours d’une fonction mathématique écrite au tableau. Entre la véhémence du bulletin d’humeur et la froideur distanciée du résumé de sciences naturelles, entre Rousseauïsme et démonstration scientifique, se dessine au fil des semaines sa description d’un paradis sur terre, un animisme à reconquérir.

 

LE TERRITOIRE COMME EXPRESSION D’UNE JUSTICE NATURELLE.

La description du territoire de l’homme primitif est devenu l’occasion de décrire une société idéale. Cette idée du territoire part d’un présupposé: l’animal, en tous cas le primate, visiblement peu différent de “l’homme primitif”, serait un être naturellement juste. Son territoire devient donc la transposition spatiale de cette justice.

 

L’ORGANISATION SPATIALE GARANTE D’UNE SOCIETE DES LOISIRS.

Ce territoire primitif idéal devient garant de ce que les sociologues des années soixante imaginaient comme avenir pour notre société: la société des loisirs.

Racontant les lieux qu’il a traversé n’est-ce pas la société dont il rêve qu’il décrit. Par son travail c’est un télescopage pour nous inattendu des temps qu’il a réalisé, un hybride entre le“où j’étais” et le “où je serais”. Une nouvelle carte de tendre version science naturelle c’est dessinée sous nos yeux nous rappelant que dessiner ou écrire le territoire et sa carte doit pouvoir être un moyen de dessiner l’utopie. C’est à ce titre que son récit et ses schémas prennent place dans ce journal. Cet exposé -car il s’agit bien là d’un exposé- constituant une re-présentation assumée du territoire, devient un élément véritable du travail s’accomplissant. C’est pourquoi nous consacrons une page complète à la retranscription quasi intégrale du travail réalisé par Michel Gendrot.