sommaire du site d'Echelle Inconnue

Echelle Inconnue

Depuis 1998, Echelle Inconnue met en place des travaux et expériences artistiques autour de la ville et du territoire. Ces expériences au long cours interrogent et associent les « exclus du plan » (sans-abris, Tziganes, immigrés...). Elles donnent lieu à des interventions dans l’espace public, expositions, sites Internet, vidéos, affiches, cartes, publications… Ce dont il est ici question, c’est de « l’invisible de nos villes ».

Identifié par le philosophe Paul Ardenne comme représentatif de « l’art contextuel », le travail d’Echelle Inconnue se trouve aussi parfois qualifié d’ « artiviste » ou de « relationnel » selon les auteurs. Supportant difficilement les étiquettes, Echelle Inconnue tente d’assumer, du moins en partie, l’énonciation théorique de son travail en participant ou en organisant des conférences, des colloques avec des universitaires ou d’autres groupes, au croisement des questions de l’art, de la politique, de l’architecture et de la ville, ainsi qu’en collaborant à différentes revues et publications.

« Combattre avec la ville que l’on voudrait et qui ne figure pas au cadastre celle qui y figure. De là, peut-être, l’avènement des mots géants »

Historique

L'équipe est constituée de Stany Cambot, réalisateur et architecte, de Pierre Commenge, de Christophe Hubert, administrateur, de Catherine Nancey, régisseuse et comptable, d'Alexandre Desliens, vidéaste, de Julie Davainne , assistante de production et d'Emilie Richelle chargée de diffusion et de communication.
Ainsi que Liudmilla Piskareva architecte et coordinatrice des projets à Moscou.
Gérard Alègre pour la maquette du journal.
La conception de l’aménagement du nouvel atelier d’Echelle Inconnue a été réalisée par Louise Guerniou.

Ont participé au travail d'Echelle Inconnue :
Stephanie Fernandez Recatala (1998-2008)
Jason Meyrault (1998-2002)
Peggy Moussié (1998-2001)
Julie Bernard (2009-2016)
Charlotte Sanchez (2010)
Thomas Bernardi (2010-2013)
Guillaume Neveu (2011-2013)
Yohann Dumesnil (2013-2014)
Romain Frugier (2014-2016)
Lucie Van de Moortel (2014-2017)
Misia Forlen (2014-2019)
Jean-Charles Maillot (2019-2021)

Manifeste

Une guerre silencieusement a lieu, guerre urbaine, guerre des représentations de l'espace avant tout. Guerre qui atteint son paroxysme dans le mariage du bulldozer et de l'uniforme. C'est une guerre sourde qui voit la victoire d’Haussmann, des octroies de Ledoux, de l'urbanisme périphérique, de la vidéo-surveillance, du banc anti-SDF ou de l'urbanisme d'empêchement préventif à destination des populations Rrom ou mobile. Une ville contre l'étranger, le pauvre, contre la connaissance aussi. Depuis 1998 nous, Echelle Inconnue, groupe réunissant des individus issus des mondes de l'architecture, de l'art, de la géographie, du journalisme, de la sociologie et de la création informatique, tentons d'y prendre part en faisant émerger la carte de ce qui manque à notre compréhension du réel. Traçant les pourtours d’une  ville complexe et polyphonique plutôt qu’unidimensionnelle et consensuelle et ce, à partir des ses marges ou espaces de crise.

Notre travail se voudrait un grincement. Nous avançons dents serrées croyant qu'il existe une autre ville que celle des architectes, des urbanistes, des politiques. Une ville ou des villes invisibles, probables, en attente, là.

Pourquoi, depuis 1998, travaillons-nous sur l'idée du territoire avec des sans-abris à Rouen, à Montréal, ou avec des adolescents et de jeunes adultes des quartiers périphériques à Orléans ?

Pourquoi travaillons-nous sur l'espace utopique avec des « voyageurs » à Sotteville, des chômeurs et des SDF à Rouen ?

Pourquoi questionnons-nous le plan d'un village altermondialiste avec les militants qui le construisent, le pratiquent et le vivent ?

Pourquoi interrogeons-nous la place des Rroms dans les cités d'Europe, avec les Rroms eux-mêmes ?

Pourquoi sillonnons-nous la France à la rencontre des Algériens, dans les villes prisons où fut détenu l'émir Abd-el-Kader ?

Parce que nous ne croyons pas aux villes des architectes, des urbanistes, des sociologues ou des hommes politiques. Leurs représentations sont autant de prisons.

Parce que nous savons que ce territoire est une invention, une représentation de la domination qui s'y exerce.

Ces représentations sont, au contraire, sans cesse à réinventer. Pas sur une table à dessin, dans l'isolement d'un bureau d'architecte, ni par le simple vote, mais avec ceux qui vivent là.

Ainsi seulement peut-on combattre un réel insatisfaisant.

Nous voulons nous rappeler notre rêve, celui d'une ville auto-déterminée, espace de tous et de chacun. C'est le Paris de la Commune, la Barcelone de 1936, c'est le maquis du Pla d'Izou, c'est un poème de Gatti ou de Maïakovski, c'est la ville mobile montée sur les chariots de la Makhnovtchina dans l'Ukraine de 1919. Ce sont aussi les cercles concentriques des murs de la « Cité du soleil »  de Tommaso Campanella, sur lesquels était représentée l'étendue des savoirs humains, c'est l' « urbanisme unitaire » des situationnistes, la théorie de la propriété de Proudhon, le village du sous-commandant Marcos.
Des villes en lutte contre elles-mêmes, tendues vers le ciel comme des forêts de poings, seules à même d'entamer le voyage qui nous sauvera de la réalité.

C'est une cité en mouvement perpétuel, qui se construit et se pense avec ceux qui la peuplent. Une ville sans tyran ni leader, le champ de la lutte sans cesse recommencée entre idéal et réalité.

Notre travail, que nous souhaitons fondamentalement politique, a pour objectif d'appréhender et de réinventer la « polis » (la ville), avec ceux qui y vivent, en prenant en compte la dimension politique, à l'heure où pour beaucoup le seul acte politique reste celui de la délégation de son pouvoir dans la solitude de l'isoloir.

Ce travail se manifeste rarement dans le cadre d'expositions, plus souvent dans l'espace public, pour interroger la capacité de celui-ci à demeurer l'espace du dire ou l'espace des possibles, alors qu'un arsenal de lois sécuritaires tend à l'éradiquer.

C'est pour ces raisons que nous avons abandonné nos costumes d'architectes, de géographes ou de créateur graphique, pour ces raisons encore que nous avons engagé un travail participatif, pour repenser et reconsidérer ensemble nos espaces de vie, convaincus que la parole ne se délègue pas, mais se prend, pour ensuite être travaillée et transmise.

Quelle ville pourrons-nous réinventer, qui soit capable de résister à la haine disséminée sous forme d'idéologie ? C'est un travail sans cesse recommencé qui constitue notre réponse. Un travail qui peut se lire à travers des axes dessinant a posteriori, une stratégie empirique de combat contre la ville du cadastre : interrogation des concepts des faiseurs de villes (architectes, politiques, urbanistes) en travaillant avec ceux qui sont exclus de leurs plans ; questionnement des relations entre ville et combat politique ; exploration des urbanités, par nature opposées à l'urbanisme : villes mobiles, nouveaux nomadismes ; tentative de ressaisissement des nouvelles dimensions technologiques de la ville contemporaine.