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Makhnovtchina

Makhnovtchina

Le journal du travail en cours est à suivre sur makhnovtchina.org/

Une recherche sur les nouveaux nomadismes

PHASE 1 / 2012-2014
UN NOUVEAU PROJET D’ECHELLE INCONNUE
PAR STANY CAMBOT
DANS LE CADRE DU CYCLE DE TRAVAIL
VILLE/MOBILE

Mots clés : mobilité, travail, économie, habitat léger et mobile, numérique, métropolisation, architecture

Introduction

Premier volet d'un travail de recherche et d’expérimentation, le projet Makhnovtchina, consiste en la mise en place d'un repérage actif des nouvelles mobilités urbaines et périurbaines à l’échelle de deux régions, la Normandie et le grand Moscou. C’est un atelier itinérant de production participative d'images (fixes, vidéos, dispositifs multimédia), de textes, de cartes, de journaux, « Work in progress ». Ce travail mené par des architectes, géographes, créateurs informatiques, sociologues et économistes est la préfiguration de propositions d'architectures ou d'équipement mobiles et légère (2014-2016). Mais avant tout il s’agit de produire des films co-réalisés avec les habitants de cette autre ville : foraine. Par là, ce travail ressuscite le cinéma itinérant des foires françaises ou de l’Agitprop soviétique.

Eastern

Rouen, Moscou, rien à voir !

Et pourtant ces deux villes ont, ou prétendent au, « statut » de métropole. Elles devraient donc, si Métropole existe, avoir en commun : désirs, questions, problématiques et solutions.

Pourtant : ni le même nombre d’habitant (500 000 contre 12 millions), ni la même attractivité, ni les mêmes surfaces ou densités et surtout pas les mêmes dates et mécaniques à leur naissance métropolitaine. L’une, Moscou, le devient, au cœur des années 90, par nécessité si l’on peut dire, pour nommer plus que régler sa trop forte attractivité et de là sa densité. L’autre, Rouen, aujourd’hui tente de générer attractivité et densité (entre autres) qui justifierait son existence.

Voyez ! Rien de simple ! Et l’exercice de comparaison, de deux mêmes choses pourtant, semble impliquer un exercice le looping verbal contre nature.

Alors la métropole existe-t-elle ? Ou du moins de quoi est-elle le nom ? Quand le phénomène dit de métropolisation modifie profondément nos territoires comme nos représentations démocratiques.

Entre Rouen et Moscou rien à voir ? Si ce n’est quelques chefs d’entreprise attirés par la seconde. Si ce n’est, surtout la violence que ces projets urbains exercent, sans visiblement s’en rendre compte, sur leurs habitants et en premiers lieu, les plus « légers et mobiles ».

Rouen Moscou rien à voir mais la mâchoire des pelles mécaniques qui appellent et arrachent la ville foraine en point de symétrie.

C'est pour questionner ce phénomène qu'Echelle Inconnue compte aujourd'hui une équipe en Normandie et une à Moscou.

C'est une errance un changement de point de vue autant qu'une aventure. C'est admettre que l'on ne sait pas ou que ce que l'on sait est insuffisant. C'est expérimenter le trait de la frontière barrant la carte et voir s'il est opérant au point d’interdire d'inventer des « NOUS » transfrontalier.
C'est prendre le chemin (pour l'instant) à rebours et parler d'ici, Moscou... puisque dans notre Ouest la voix des émissaires de cet Est ne semble pas entendue.
C'est enfin ré-envisager la question de la « ville mobile » au cœur d'une autre pensée de la ville.
« Notre Est » espace souvent fantasmé auquel une guerre (froide) semble avoir durablement imprimé ses contours. Espace post soviétique où pourtant les mêmes questions métropolitaines sont à l’œuvre et pétrissent le territoire.

Le travail, pour l'instant, ancré à Moscou et en Moldavie s'articule autour de quatre pistes de recherche et d'expérimentation participatives : l'histoire comparée du cinéma mobile et forain (France/Russie), l'habitat ouvrier précaire et mobile (container, etc.) outil illégitime mais pourtant nécessaire à l'édification de la ville planifiée, les cités de garages, et enfin les installations foraines et commerciales (kiosques, camions...), leur histoire depuis les gestes constructivistes jusqu'à l'appropriation de l'espace public post soviétique ainsi que leurs réglementations.

Enjeux de la mobilité aujourd'hui

Métropole et mobilité sont devenues des « en-soi » chargées de valeurs positives qui ne semblent aucunement remises en question. Elles sont devenues des injonctions faites aux villes comme aux individus. Il faut que les villes deviennent métropoles et que les individus soient mobiles. Or, accolés, ces deux termes ne promettent qu'une mobilité particulière, une mobilité de « cadres plug and play » qui, pour des raisons professionnelles ou de loisirs se déplacent d'une métropole à l'autre, perpétuellement connectés grâce à un ensemble de dispositifs technologiques. Ainsi, les changements de gestion territoriale dessinent-ils une mobilité particulière.

Cependant, à l'heure des crises immobilières, du redécoupage du territoire par la pensée de la métropole, de plus en plus de personnes sont poussées à subir, à inventer à construire ou pratiquer, des urbanités mobiles et provisoires.

D'évidence, cependant, la ville a changé de nature. Elle quitte de plus en plus les limites de l'immobilier pour se « virtualiser » dans les réseaux et la communication, changement dont les enjeux échappent encore à l'analyse.

Objectifs

C'est cette tentative d'analyse qu'Echelle Inconnue se propose de réaliser en posant et en tentant de croiser, suivant différentes modalités de projets, les questions suivantes :

- D'une part, quelles questions et enjeux politiques, économiques, sociaux et urbains, les nomadismes contemporains révèlent-ils ? Qu'ils soient historiques (gens du voyage) ou nouveaux (travellers, ouvriers des nouvelles entreprises de réseaux vivant le temps d'un chantier en camping-car ou en hôtel « low cost » wagonchiki...) ? De là, envisager comment pourrait se penser la question d'une mobilité inter ou extra urbaine.

- D'autre part, en quoi les nouvelles technologies mobiles modifient-elles notre rapport à l'espace, et comment se ressaisir de manière libre et collective de ce qui constitue un nouveau calque posé sur la ville ?

Ce travail vise, en outre, à explorer les futurs vides ou terrae incognitae que créent ou créeront les métropoles. Il propose une traversée, du terrain d'accueil pour Gens du Voyage au marché forain, en passant par les espaces des nouveaux nomadismes générés par la déstructuration des entreprises notamment de réseau. Un traversée aussi par les campings ou cités de garages où on loge ou travaille à l'année. Une traversée enfin, pour entendre comment la ville du cadastre (ou la ville planifiée) rejette, interdit, tolère, s'arrange, appelle ou fabrique la mobilité et le nomadisme.

Ce nouveau projet de recherche et de création s'inscrit dans la continuité de certains travaux menés depuis 2001 : travail sur l'utopie avec des « gens du voyage » (2001-2003) participation à l'agora de l'habitat choisi (2009), réalisation d'une installation vidéo avec les Roms expulsés de Villeurbanne (2009), l'encadrement du workshop européen « migrating art academy » avec des étudiants en art, lituaniens, allemands et français (2010). Il tente d'explorer les notions de ville légère, mobile et non planifiée avec ceux qui les vivent.

La caravane de la makhnovchina, un travail en forme d'atelier participatif nomade

Ce travail, prenant la forme d'une caravane, parcoure la Normandie et le grand Moscou. Un projet articulé en trois moments :

 

Identifier sur le territoire français (Normandie) :

Partir à la recherche des traces ou indices de la ville mobile : habitats légers ou mobiles, stands, kiosques, wagons, garages, roulottes, caravanes, constructions légères.

Relever les points de friction ou de rencontre de la ville de l'immobilier et de celle du mobile, en particulier, les mesures d'empêchement (blocs de roche, portiques anti-caravane, destruction pure et simple...).

Repérer, visiter les espaces propices au nomadisme ou déjà utilisés par des activités nomades ou foraines (aires d'accueil pour Gens du Voyage, parkings de périphérie ou de zone d'activité commerciale, chantiers, halles de marché, camping...).

Identifier les espaces pratiqués par les « nomades » dans ces deux métro- ou mégalopoles en construction : Rouen, Grand Paris et axe Seine, ainsi que Moscou.

 

Rencontrer :

Par la discussion et l'échange avec les acteurs, tenter d'interroger les usages, connaître les dispositions légales, les règlements, les fréquences d'installation ou de déplacement.

 

Enfin, représenter :

- Dresser les cartes, s'il y a lieu, ou du moins se poser la question du mode de représentation d'un territoire découvert par ce prisme.
- Exposer au 11-13, rue Saint Etienne des Tonneliers à Rouen.
- Publier un journal « à titre provisoire » sur la ville / mobile.

 

Diffuser un dialogue urbain entre des points distants :

Le travail : les lieux dans lesquels ce travail est amené à s'élaborer sont distants et se pensent comme distincts. La caravane Makhnovtchina a pour but de les relier, de les faire communiquer. Le travail réalisé à un endroit devra dans les plus brefs délais être visible dans un autre via le journal, un site internet contributif, des affiches, des projections, des installations numériques.
C'est un travail de facteur ou de colporteur. La matière récoltée, tournée et montée à un endroit diffusée à un autre. Ainsi, sur les rails du ciné-train de Medvedkine, dans les roues du cinéma forain du début du XXe siècle, nous construisons des films comme on fait un feu de camp. Projections autour desquelles s'assembler et discuter.
En France c'est via le MKN-VAN, Lanterne magique, salle de projection, studio d'enregistrement et atelier mobile. Un ciné-truck MKN-VAN qui est pour Echelle Inconnue autant l'outil que l'œuvre résultante de Makhnovtchina. En russie c'est pour l'instant autour d'une tablette ou d'une projection que l'on se rassemble.